Ce n’était pas un jour comme les autres.
Comme si les nuages souhaitaient nous aviser que quelque chose se préparait.
Ce matin-là, y faisait pas complètement noir, mais faut dire le soleil se faisait pas mal frileux.
Comme plusieurs fois par semaine, j’ai essayé de l’appeler.
Mais elle n’a pas répondu.
J’ai pensé qu’elle devait être occupée avec vos petits amours pis que la broue dans son toupet faisait encore des siennes.
Ça fait que tout juste comme j’allais quitter mon chez-moi, une heure plus tard, mon téléphone a sonné.
J’ai vu apparaitre sa face de fille cocktail qui dévore un big mac après une soirée arrosée dans notre jeune temps sur mon écran, et j’ai souri… mais pas longtemps.
Sa voix
On va se le dire, juste à son ton je savais ben qu’un truc clochait.
Elle est restée aussi froide qu’une banquise, son calme olympien n’annonçait rien de bon.
Je la connais t’sais,
Ça fait quinze ans qu’on brave de petites et moyennes tempêtes ensemble.
Mais je ne pensais pas qu’on devrait ce jour-là affronter un tsunami, par exemple.
Mettons que j’aurais skipé ce bout-là dans nos vies.
Dans la vôtre surtout.
En situation de crise, alors que toute la planète était sur pause, que tout avait figé dans le temps… elle m’a simplement supplié de m’en venir.
Le plus vite possible.
En pleine pandémie, alors qu’elle angoissait déjà pas mal avec tout ce que notre nouvelle réalité impliquait, j’ai pensé;
«Ça doit être grave pour vrai!»
Sur le coup, elle n’a rien voulu me dire.
Sa voix s’est juste brisée voire carrément rompue, et j’ai sauté dans ma voiture en me posant toutes les questions de la Terre.
J’ai pris le temps d’en imaginer des scénarios, tu sais comment je suis, hein, mon Pat!?!
Mais celui-là par exemple, j’étais loin d’y avoir pensé.
C’est ben pour dire, hein!
Je t’assure, y a personne qui était prêt à faire face à cet ouragan-là.
Pendant que je roulais vers chez vous, c’est vite devenu flou.
J’ai pensé que vous vous étiez chicanés fort, que ma vieille amie avait besoin que je m’occupe des enfants pendant qu’elle allait respirer ailleurs.
Ouais, j’en ai imaginé des affaires… mais pas celle-là.
Le chemin a été interminable, et quand je suis arrivée dans votre entrée, j’ai remarqué une voiture que je ne connaissais pas.
Je me souviens avoir pensé;
«Ben voyons! Avec ce maudit virus-là, comment ça se fait qui a de la visite?»
En même temps, moi non plus je n’avais pas vraiment d’affaire là…
Jusqu’au moment où j’ai vu son visage apparaitre au bout de l’allée menant à votre petit nid douillet.
Là, j’avais d’affaire à être là!
Elle a refermé doucement la porte derrière elle, et a marché vers moi d’un pas un peu étrange.
Son visage.
Je l’aurais préféré comme quand on dansait dans les allées du WalMart à l’âge de 20 ans.
Mais non, je ne l’avais encore jamais vu comme ça avant.
Triste, et figé en même temps.
Vide, et chargé en même temps.
Je ne peux pas répéter les paroles qu’elle a prononcées au moment précis où elle s’est effondrée dans mes bras.
Surtout parce que ça nous appartient à toutes les deux, mais aussi beaucoup parce que ça fait encore trop mal.
En une seconde, j’ai vu l’une de mes inséparables se briser en mille fragments.
J’aurais voulu les ramasser un à un, mais c’était trop peu trop tard.
Ça a fessé fort dans mon cœur d’amie, de femme, d’humaine…
Surtout, d’amoureuse.
J’y ai pas vraiment cru tout de suite.
Elle non plus si tu veux mon avis.
Quand ses larmes ont pris une pause, et qu’on s’est serré un peu plus fort l’une contre l’autre, ça a commencé à prendre forme dans ma tête.
Doucement et violemment en même temps.
Quand elle a essayé de reprendre son souffle, ses jambes ont bien failli lâcher.
Et j’ai alors compris que cette fois-là, c’est moi qui devais être la plus forte des deux. Parce qu’on va se le dire, je n’ai jamais puisé ma force dans le contrôle des émotions, hein mon Pat!?!
Mais là, ce n’était pas pareil. Fallait que je reste droite pour elle. Pour eux.
Eux.
Ils étaient encore à l’intérieur.
Elle m’a dit qu’elle ne pouvait pas leur dire ça, qu’il fallait digérer un peu le cauchemar avant.
L’affaire c’est que ça reste sur l’estomac en pas pour rire, un drame de même.
Au moment où nous avons franchi le seuil de votre chez-vous—celui que vous aviez mis tant d’énergie à construire—je me suis senti habitée d’un grand vide. Pis faut bien admettre que c’est loin d’être vide dans votre maison!!!
Mais c’est encore plus quand j’ai croisé leurs yeux ornés d’innocence que j’ai compris l’ampleur de l’orage à venir.
Les deux femmes debout dans l’entrée m’ont regardé comme si j’étais la bouée de sauvetage à laquelle elle allait enfin pouvoir s’agripper. J’étais prête à jouer ce rôle-là, c’est bien certain… mais j’aurais aimé mieux qu’on me donne un cours avant.
L’une d’elles a prononcé des mots qui résonnent encore dans ma tête, un an plus tard.
Souvent tard le soir, quand je m’efforce de ne pas courir jusque chez vous pour la serrer encore et encore dans mes bras.
Cette journée-là est gravée en moi au fer rouge— dans celle de beaucoup de gens en vérité—et c’est bien normal parce que ton départ ne fait aucun sens. Je sais que tous ceux qui perdent quelqu’un de cher doivent répéter exactement les mêmes mots que moi. Je sais aussi que partir fait également partie de la vie. Sauf que ça reste abstrait en maudit…
Jusqu’à ce qu’on doive y faire face.
Quand la porte s’est refermée derrière le mauvais film qu’on était venu lui annoncer, le poids du monde s’est invité sur ses épaules.
Elle a courbé l’échine, mais pas longtemps.
Elle est faite forte, ta douce, mon beau Pat! Merci de lui avoir prouvé que le bonheur existera toujours malgré tout. Je pense qu’elle t’a entendu.
Les plaies qui persistent à la consumer de l’intérieur sont encore vives, personne ne peut le nier.
Mais maudit que je la trouve belle dans sa façon de se relever! Et c’est beaucoup grâce à toi ça, bel homme des bois au sourire contagieux. Par chance que tu l’aies légué à votre p’tit Lou!
Tu sais, elle a beau se tenir droite, ton absence se fait tout de même sentir à chaque instant. Comment ça pourrait être autrement? Ta présence était la seule à avoir ce don particulier que de la rassurer complètement.
Ce texte-là, je me suis longtemps demandé de qu’elle façon le débuter.
J’ai beau savoir jongler avec les mots, écrire ton départ vu par mes yeux d’amie, je trouvais que ce n’était pas encore assez représentatif.
Sauf que je ne pouvais pas passer à travers aujourd’hui sans prendre le temps de crier à tout le monde l’humain magnifique que tu as été, l’ange précieux que tu es devenu.
Ben oui, je te jase ça pas mal souvent depuis un an, et je le sais bien que tu dois avoir les oreilles rouges à force d’être autant sollicité.
Le vois-tu, à quel point on t’aime et qu’il est impossible de t’oublier? Je te le dis tout de suite, ça n’arrivera jamais.
Tu sais, c’est bien beau parler de ce jour-là, mais y a aussi eu ce soir-là… Pis une maudite chance que la seconde moitié de notre quatuor s’est pointé le bout du nez parce que la batterie d’énergie avait besoin d’être rechargée.
Juste un peu, t’sais, pour réussir à passer au travers du choc.
Faut que tu saches, mon Pat, que même si ça va toujours faire mal…
On va travailler fort chaque jour à leur créer le plus de beau possible.
Tes amours sont entre de bonnes mains, je te promets qu’on ne les lâchera pas…
Mais restes tout de même aux aguets, t’es pas mal le meilleur guide faut bien se le dire.
On t’a peut-être déraciné du sol, mais jamais de nos mémoires
Je te promets, mon beau Pat qu’on va continuer de parler de toi
De te citer…
Et même de t’invoquer parfois,
Surtout quand notre folie que tu connais si bien s’invitera dans l’une de nos soirées de filles un peu pas mal arrosées.
Je te promets, mon beau Pat, qu’on va prendre soin de tes deux petits trésors, et les chérir jusqu’à même leur taper sur les nerfs.
Et quand ils seront grands, ils se souviendront, nous t’en faisons la promesse.
De toute façon, le mot préféré de Jaja est sans conteste celui-ci;
«Papa»
De la défriche d’érablières à l’enracinement du grand chêne, les balades en forêt n’auront jamais eu autant de signification que depuis ton départ.
Ta présence sera à tout jamais ancrée dans le moindre fou rire, chacun de leurs rêves, ainsi que nos plus beaux souvenirs.
À toi, amie d’amour
Faut que tu saches qu’on va continuer de t’envoyer mille messages par jour malgré ton bas degré de tolérance
Qu’on va persévérer à mettre du rose dans tes jours gris, de la saveur dans tes semaines fades.
Nous t’aimons comme il est même difficile de l’exprimer, et nous t’aimerons encore demain, et aussi le surlendemain.
Sache que lorsque la vie aura repris un semblant de cours normal, ben on y retournera, dans les allées du WalMart à danser comme des folles en se foutant bien de ce qu’on a l’air.
Et lorsque tu te sentiras un peu trop faiblir, ma belle amie, on ira respirer le temps et parler aux arbres ensemble.
Crains pas, mon Pat, on sait où te trouver!
Bon voyage!
Brigitte frenette dit
Tu m’a fait pleurer ? qu’elle histoire triste ? tu écris tellement bien ? en tout cas tu est venu me chercher ?? même si je ne le connais pas j’aurai une pensée pour sa famille ♥️♥️ Ça pourrait être mon fils, le petit fils, ou un être cher que l’on pleure ?? courage à cette famille qui vit la tristesse ??? je suis de tout ♥️ Avec vous tous xxxx de Bribri ??????????????????????
nicole bibeau dit
Que de frissons jai ressentis en te lisant.
Trop triste de vivre ca mais tu es la pour eux
Et ca cest de l amour vrai
Continue de les faire chemine vers le Bonheur
Malgre leur douleur
Tu leur fais voir que le bonheur n est pas mort
Qu il est bien au chaud dans leur coeur
Et bien vivant dans leurs yeux !
Marie-Krystel Gendron dit
Marie-Krystel Gendron dit
?
Sonia dit
Wow quel bel hommage.
Je suis de tout coeur avec vous tous. Il vivra toujours au travers de vous tous.
Marie-Krystel Gendron dit
❤
Nathalie Amyot dit
Quel beau texte!❤ J’en ai pleuré même si je ne connais pas cette famille. J’aurais envie de leur faire un énorme câlin ? Bon courage dans cette tristesse ? Vous avez maintenant un ange qui veille sur vous tous❤?? Thaly xxx
Marie-Krystel Gendron dit
Merci infiniment!
Fanny dit
Merci Marie Krystel!
Je ne savais pas que mon cousin avait une amie aussi talentueuse avec les mots!
Encore aujourd’hui je le pleure… et hier…
un hiver en famille à saint michel des saints, Patrick (4 ans) et moi(16 ans) étions partis faire une marche dans le bois à la recherche de trace de lièvre. Tu sais, Pat c’est un vrai gars de bois!! Moi maintenant c’est la que j’y parle!
Merci encore pour ton texte
Marie-Krystel Gendron dit
Que c’est gentil! Merci du fond du ❤