C’est l’été…et quand l’été bat son plein au Québec, les températures montent danser autour du chiffre 30, et le ciel bleu, les écureuils sautant de poteaux électriques en sapins éclectiques vous remplissent d’allégresse.
Je suis heureuse presque légère malgré mes rondeurs sensuelles. Et je profite de ces jours ensoleillés avant de m’attaquer au dossier «Immigration » que je surnommerai « Project XYZ » car, tout comme une équation à trois inconnues, ce dossier va me donner quelques maux de tête. Bref, retournons à notre journée estivale.
Le Zhom a la chance de posséder une piscine. Je m’y engouffre dès que le soleil atteint sa beauté médiane, et j’alterne avec une joie non feinte séance de bronzage et brasses paresseuses.
Je me laisse bercer par les vibrations stridentes des grillons (j’ai pensé bien longtemps qu’il s’agissait du bruit du courant qui passe dans les gros câbles électriques). Vous pouvez rire, je ne dois pas être la seule!
Je me sens bien, je m’endors …sur un matelas de piscine moelleux.
Il fait bon vivre juste à l’instant. Un moment qui nous fait dire que le bonheur est une suite de petites joies empreintes d’une lumineuse sérénité.
Quelques minutes plus tard, je perçois mouvements, et bruits de quincaillerie alors que des rires envahissent un jardin pas très lointain.
Mon esprit dérive vers la côte Belge; le ressac des vagues, la chaleur du sable, et le bruit des enfants jouant avec seau et pelle une gaufre bien rousse et croustillante à la main. J’adorais cette odeur de sucre caramélisé qui me chatouillait les narines sur les digues de Nieuwport.
Ma mémoire olfactive, et visuelle accroche si intensément ce genre de détails que je n’ai aucun souvenir qui ne soit embaumé d’un parfum ou imprimé d’une image.
Mais parfois les souvenirs se salissent d’une odeur plus que désagréable. Et mon esprit soudain en alerte en détecte une féroce : celle du gras trop grillé.
Je vois le voisin s’affairer sur une énorme machine en inox et fonte avec piques et couteaux en main, et une montagne d’hamburgers en attente d’être carbonisés (ou en train de subir leur pire mort)…
Le groupe d’invités semble exulter. La bière coule à flots, les sauces en pots virevoltent, et les canines déchiquettent en grognant une pitance dégoulinante de jus de bacon.
Rien pour me faire saliver!
Mon regard se porte sur d’autres terrasses et jardins….
Mazette (interjection de surprise équivalent au « hein » « tu me niaises-tu » « c tu pas possible », que les mœurs « BBQ » semblent répandues.
On dirait un concours de comparaison phallique ; les Barbecues sont énormes, indécents, rutilants et aveuglants sous ce soleil.
Et ils s’ouvrent, telles des mâchoires infernales, les uns après les autres réunissant en groupes passionnés les estomacs vides ou les bouches gourmandes.
Les odeurs me parviennent….patates sautées, lards fumés, légumes et bœufs épicés, marinades….même l’air est saturé de calories lipidiques…
J’ai l’impression de me transformer en saucisse vivante, et que mes congénères alléchés par ma parure mordorée viendront bientôt me tenir un langage plutôt châtié.
J’en deviens écœurée, et m’interroge sur ce concept si masculin de compenser un je ne sais quoi de trop petit (aux lecteurs de s’offusquer) par des engins toujours plus gros.
Une comparaison similaire pourrait être faite pour les voitures toujours plus imposantes, plus puissantes.
Et que vrombissent les énormes Pick-up sur les routes trouées par le gel.
Drive the fastest, grill the fattest : I’m the best!
(Conduire le plus rapidement, griller le plus gras : Je suis le meilleur!)
The Zhom s’agite…
Il sort sa tête de sous le journal. Il aime siester, le brave.
Il me lance un regard implorant (signe que son ventre crie famine), il se lève et se dirige vers une housse gigantesque…qui se meut…sur des roulettes.
Il me dévoile avec une fierté abyssale l’objet de tant de mystères.
Ce soir, chérie, je te fais un barbecue!!!
Il fait chaud….et cela sent vraiment le gras.
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