C’est juste plate…
Je ne parle pas de la pandémie. Ça, ce n’est pas «juste plate». Mais plutôt une vraie catastrophe. Et je me sens mal de me regarder le nombril parce que ma déception prend beaucoup de place. Je me sens égoïste parce que ça me fait une scratch sur le cœur, pis que c’est clairement pas une question de vie ou de mort. Fait que c’est ça… y semblerait que mon dernier bébé est sorti pendant une pandémie. Alors que nous sommes tous en situation de confinement. Ben non, je n’ai pas été obligée d’accoucher en plein Covid dans un hôpital infecté en me demandant si mon chum allait pouvoir assister au travail. C’est juste un roman après tout…
L’affaire c’est que ce livre-là, j’ai commencé à le créer en 2015. Imaginez! 5 ans à jaser dans ma tête avec les mêmes personnages, 60 mois à me les concevoir, les façonner selon mon humeur, les faire évoluer… Entre- temps, c’est sûr que, bon! C’est cool pareil; ma première trilogie a vu le jour, et je dois admettre que j’en suis plutôt fière. Ça s’est bien passé ou en tout cas, selon mes attentes eh bien, j’étais contente. T’sais quand un rêve te fait de l’œil depuis longtemps, et que finalement, GUESS WHAT? Il se réalise! Ce qui se passe à ce moment-là dans ta tête et ton cœur c’est comme un trop-plein d’émotions. Comme si tu venais littéralement de mettre au monde quelque chose. Pas un être humain, je le sais bien. Mais t’es émerveillée quand même. Pis là, quand ça arrive, tu ne veux juste pas que ça s’arrête. Fait que t’essaies de capturer le temps, de faire durer le moment. Mais on va se le dire, c’est un peu pas mal dur à faire. C’est là aussi que les histoires se multiplient dans ta tête, mais que tu te rends compte que t’écris pas aussi vite que tu voudrais que les mots apparaissent sur ton écran. Ça fait que là, tu te dis Wô les moteurs, un projet à la fois, fille! Ton public—si y est encore là— y va t’attendre. Mais rien n’est moins sûr au fond, fait que tu te donnes un coup de pied dans le derrière pis tu te croises les doigts.
Mais voilà que tu te rends compte que presque deux ans après la sortie de ton petit dernier… ton futur nouveau prochain livre auquel tu penses depuis 260 semaines (peut-être même plus) va finalement voir le jour lui aussi. Pis tu tripes, t’sais. Pis t’as peur. Mais tu tripes pas mal plus. Pis t’es fière. Mais tu ne veux pas le dire trop fort au cas où tout finisse par s’écrouler. Je parle de la carrière dont j’ai rêvé toute ma vie. Qu’est-ce que tu veux, je suis superstitieuse! Mais comme t’aimes mieux y croire, ben tu prépares une belle et grande soirée. T’invites tes amis, ta famille, tes clientes, pis pas mal tout ton entourage finalement. Et tu te sens un peu gossante d’en parler à tout le monde… TOUT LE TEMPS. Sauf qu’en même temps si tu veux qu’il se lise ce roman-là, faut ben que t’en jases. Pis là tu mets toute ton énergie là-dedans. Beaucoup d’espoir, et de nuits blanches à chercher LE truc qui fera en sorte que ton lancement sera parfait. Parce que non seulement tu mises beaucoup sur cette seule et unique soirée pour te vendre à ta juste valeur, mais t’sais… ça coûte cher faire un open house.
Et pis là ben, tu fais faire des affiches, de la publicité en masse pis tu continues de harceler ta famille (parce que t’as un peu beaucoup peur qu’au final, tu te ramasses toute seule avec ta boîte de livres pas encore lus).
Tout ça pour dire qu’en l’espace de pas grand temps tu te retrouves un peu le cul à terre. Une semaine avant le grand événement, tu réalises que ça se passera pas parce que GUESS WHAT? La planète se met sur pause. Y fait pas juste pleuvoir des cordes pour jeter un peu de nuages sur ta belle journée que tu voulais ensoleillée. Non monsieur! L’ostie de Covid, qui avait un peu avant fait son apparition sur un des continents que t’as jamais visités, décide de débarquer chez vous. Mais tu restes positive parce que tu ne connais pas encore l’ampleur de la situation, et surtout parce que ben… c’est pas mal nouveau pour tout le monde cette cochonnerie-là! Mais t’sais, c’est juste un rhume qui se répand plus vite que la normale, qu’on entendait dire. Ouin, sauf que la première chose qu’on sait—en l’espace de genre trente secondes et demie— c’est qu’il fait plus juste se répandre, ce maudit virus-là… en plus y tue nos grand-mères pis nos grands-pères. Oh, et les plus jeunes qui sont vulnérables, aussi! Fait que tu te mets à réfléchir. Dans ta peau de femme de trente-trois ans coiffeuse/auteure/conjointe/fille/amie et belle-maman… tu commences à paniquer un peu plus. La deuxième chose qu’on sait c’est que ben… il faut plus se rassembler. Tu te dis OK cool! Ça va durer une couple de jours et on va être corrects. Si j’ai de la chance pis que j’ai pas si pire mené une bonne vie jusqu’ici, bah y va peut-être pouvoir avoir lieu, ce fichu lancement de livre là. Y aura toujours ben pas plus de 250 personnes pour venir m’encourager (malgré que ce serait nice en maudit). Mais GUESS WHAT, fille? Watch ben la patente! TOUS les rassemblements doivent être annulés parce que t’sais, tu peux l’avoir sans même le savoir cette marde-là. Ah ben super! Y a des choses pires qu’une soirée gâchée, quand même! Fait que tu te retrousses les manches pis tu te dis que t’auras juste à le faire plus tard, quand tout ça sera finalement derrière nous. Pis au fond, ben peut-être que ce sera encore mieux. Y risque de faire plus beau, et les nuages vont peut-être prendre congé ce jour-là.
Bon, mais outre toute cette histoire de soirée repoussée, ton livre y sort quand même en magasin. T’es comme contente et énervée, mais triste aussi pis angoissée. Pas juste pour le sort de ton nouveau bébé, là! Mais encore plus pour ta mère, ton père, tes beaux-parents, les grands-parents de ton chum (les miens sont déjà dans rendus au ciel ), tes beaux-enfants, les rejetons de tes amies, et pour tout le reste de la planète, quoi! Fait que t’sais fille, ce n’est pas si grave si la sortie de ton roman ne fait pas tant de bruit. Qu’on en parle peu ou pas assez. Y a des affaires ben pires avec lesquelles y faut dealer. La moitié de la population se demande comment elle va faire pour joindre les deux bouts, fait que t’es pas la seule à avoir de la petite «pepeine». Évidemment que tu le sais trop bien que ce n’est pas la fin du monde! C’est juste plate, pis ça te fait un petit motton dans le fond de la gorge. Pas aussi étouffant ou douloureux que celui que provoque le Covid-19, mais un pas pire motton quand même.
Faut surtout pas lâcher, gang. Ça va bien aller!
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